Comprendre la consultation sur la stratégie de l'entreprise :
Le comité social et économique est consulté sur les orientations stratégiques de l'entreprise, définies par l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, et sur leurs conséquences sur l'activité, l'emploi, l'évolution des métiers et des compétences, l'organisation du travail, le recours à la sous-traitance, à l'intérim, à des contrats temporaires et à des stages. Cette consultation porte, en outre, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, sur les orientations de la formation professionnelle et sur le plan de développement des compétences.
Le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre (C. trav., art. L. 2312-24).
Stratégie : La stratégie est un ensemble d'actions coordonnées, d'opérations habiles, de manœuvres en vue d'atteindre un but précis. Dans son approche économique, elle est l'ensemble des méthodes qui maximisent dans un univers conflictuel ou concurrentiel — c'est-à-dire face à un rival, un opposant, un adversaire, un concurrent ou un ennemi — les chances d'atteindre un objectif donné malgré les actions de l'autre, (source wikipédia).
Un arrêt de la cour d'appel de Paris donne une définition intéressante. La consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, ainsi que les parties s’accordent à le reconnaître, porte sur des orientations par nature générale. Elle a pour support d’information la BDES et doit permettre un véritable échange entre le comité d’entreprise ou le comité central d’entreprise et la direction sur la stratégie de l’entreprise dans le dessein d’en anticiper ses conséquences pour les salariés et de lui permettre d’appréhender annuellement les objectifs et axes de développement à court et moyen terme de l’entreprise ou ses actions défensives ou de consolidation, en considération de son environnement économique et concurrentiel,( CA Paris, ch. 6-2, 3 mai 2018, n° 17/09307).
Cette consultation sur les orientations stratégiques de l'entreprise fait partie des 3 grandes consultations obligatoires :
Le comité social et économique est consulté dans les conditions définies à la présente section sur :
- 1° Les orientations stratégiques de l'entreprise ;
- 2° La situation économique et financière de l'entreprise ;
- 3° La politique sociale de l'entreprise, les conditions de travail et l'emploi.
Quelles informations préalable pour le CSE ?
L’article L2323-10 indique que la base de données est le support de préparation de cette consultation.
L'article R. 2312-7 précise que la BDES permet la mise à disposition des informations nécessaires aux trois consultations récurrentes, par contre le code du travail ne prévoit aucune information spécifique dans le cadre de cette consultation sur les orientations stratégiques contrairement aux deux autres consultations récurrentes. L’article précise uniquement que l'ensemble des informations de la base de données contribue à donner une vision claire et globale de la formation et de la répartition de la valeur créée par l'activité de l'entreprise.
Selon la cour d’appel de Lyon, afin d’apprécier les conséquences de l’orientation stratégique sur l’activité de l’entreprise, voire d’être force de propositions, les informations transmises doivent être de qualité, contenir des éléments concrets et précis sur les objectifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre (Cour d'appel de Lyon - Chambre Sociale - Arrêt du 8 janvier 2016).
En absence d’information dans la BDES, le délai de consultation du CE sur les orientations stratégiques ne court pas :
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 mars 2018, 17-13.081 : Le délai de consultation du comité d’entreprise commence qu’à compter de la communication des documents prévus par la loi ou l’accord collectif, décide la Cour de cassation dans un arrêt du 28 mars dernier.
Un comité d’entreprise est informé et consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, puis, entre mars et juin 2015, sur un projet de réorganisation.
Le comité d’entreprise saisit le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés pour lui demander, d’une part, de constater que le délai de consultation sur les orientations stratégiques n’a pas couru, faute pour l’employeur d’avoir mis à disposition les documents d’information nécessaires dans la base de données économiques et sociales (BDES), d’autre part d’ordonner la production de documents complémentaires dans le cadre de la consultation sur la réorganisation et de prolonger d’un mois le délai de cette consultation.
La cour d’appel déclare ces demandes irrecevables, estimant qu’en saisissant le juge plus de 4 mois après la communication par l’employeur d’informations qu’il jugeait insuffisantes sur les orientations stratégiques du groupe, le comité a agi au-delà du délai de consultation préfix prescrit par les dispositions légales.
La décision est cassée par la Cour de cassation. En effet, le comité d’entreprise dispose, pour émettre des avis et vœux, d’un délai d’examen suffisant fixé par accord ou, à défaut, par la loi. Lorsque les éléments d’information ne sont pas suffisants, les élus peuvent saisir le président du tribunal de grande instance pour qu’il ordonne la communication par l’employeur des éléments manquants. Cependant, lorsque la loi ou l’accord collectif prévoit la communication ou la mise à disposition de certains documents, le délai de consultation ne court qu’à compter de cette communication. Tel est le cas, dans le cadre de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise, de la base de données économiques et sociales (BDES) qui est le support de préparation de cette consultation.
La solution retenue dans cet arrêt pour le comité d’entreprise devrait être transposable au comité social et économique (CSE), et également transposable aux autres consultations récurrentes du CSE, consultation sur la situation économique et financière et consultation sur la politique sociale de l’entreprise.
Suspension de la procédure de consultation des élus sur un projet de cession jusqu'à ce que la consultation sur les orientations stratégiques soit organisée :
Il appartient à une société de procéder à l’information-consultation sur les orientations stratégiques 2018 avant d’organiser la consultation sur le projet de cession de la société au profit d’une autre et que leur refus d’organiser cette consultation constitue un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser en suspendant la procédure de consultation sur le projet de cession jusqu’à ce que la consultation sur les orientations stratégiques soit organisée, la cession constituant en effet un changement des orientations stratégiques, TGI de Nanterre, ord. référé, 28-5-18, n°R.G. : 18/01187.
Quelles informations à disposition de l'expert comptable ?
L'epert comptable avait réclamé à l’entreprise divers éléments d’information concernant les activités du groupe afin d’apprécier la stratégie de l’entreprise. La Cour d’appel de Lyon rappelle que le périmètre d’intervention reste celui de l’entreprise, mais, pour autant, elle donne droit à la demande de l’expert au motif que « le fonctionnement général du groupe démontrait ici une très forte imbrication entre la société mère et ses filiales » et « que les données stratégiques étaient définies et contrôlées au niveau du groupe » (Cour d'appel de Lyon - Chambre Sociale - Arrêt du 8 janvier 2016).
Le CSE émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives :
A l'issu de ou des réunions, le comité émet un avis sur les orientations stratégiques de l'entreprise et peut proposer des orientations alternatives. Cet avis est transmis à l'organe chargé de l'administration ou de la surveillance de l'entreprise, qui formule une réponse argumentée. Le comité en reçoit communication et peut y répondre, C. trav., art. L. 2312-24, al. 2.