Références
Cour de cassation
chambre sociale
Audience publique du mercredi 6 avril 2016
N° de pourvoi: 14-23198
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Frouin (président), président
SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X…, engagé par la Société d’exploitation de l’hôtel du parc de Bougival (SEHPB) le 3 novembre 2003 en qualité de maître d’hôtel, puis promu responsable de restauration, a fait l’objet le 22 octobre 2007 d’un avertissement et d’une mise à pied disciplinaire de trois jours ; que par lettre du 11 février 2008, l’union locale CGT Chatou a demandé la tenue d’élections de délégués du personnel et de membres du comité d’entreprise, annoncé la candidature de M. X… à ces futures élections et l’a désigné en qualité de délégué syndical dans l’entreprise ; qu’il a été convoqué par lettre du 14 octobre 2009 à un entretien préalable à un licenciement, avec mise à pied conservatoire, puis licencié pour faute grave le 17 novembre suivant ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale le 5 avril 2011, sollicitant, à titre principal, la nullité de son licenciement prononcé en violation du statut protecteur attaché à son mandat de délégué syndical, l’annulation des sanctions disciplinaires dont il a fait l’objet le 22 octobre 2007 ainsi que diverses sommes à titre de rappels de salaire et d’indemnités ; que l’union locale CGT Chatou est intervenue à l’instance ;
Sur le second moyen :
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt de débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut de délégué syndical et de ses demandes subséquentes de remise en l’état du contrat de travail, de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis son licenciement, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de paie évoquées, de condamnation de son employeur à lui verser une provision pour la période couverte par la nullité de la rupture et d’indemnité pour licenciement nul d’au moins douze mois de salaire, alors, selon le moyen, qu’aux termes de l’article 7 de la convention OIT n° 158, un licenciement ne peut intervenir avant que le salarié ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur ; que la lettre de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel a pour objet d’examiner contradictoirement les griefs reprochés par l’employeur, doit indiquer avec une précision suffisante ces griefs afin de permettre au salarié de préparer utilement sa défense ; qu’en jugeant que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation et la tenue de l’entretien au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre satisfont aux droits du salarié, la cour d’appel a violé l’article 7 de la convention OIT n° 158 et les articles L. 1232-1, L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail ;
Mais attendu que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié ; que la cour d’appel qui a constaté que l’entretien préalable avait été tenu régulièrement a, sans violer les droits de la défense, légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 2003 et 2007 du code civil et L. 2411-3 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut protecteur et de ses demandes au titre d’un licenciement nul, l’arrêt retient que la lettre du 4 avril 2008 dans laquelle le salarié fait part de sa décision « de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit, au sein de la Société d’exploitation de l’hôtel du parc de Bougival » n’évoque pas les prochaines élections, ne fait aucune allusion à une quelconque candidature à laquelle M. X… renoncerait, qu’au contraire, en se référant ainsi expressément à un mandat donné par un syndicat, ce qui est le propre de la qualité de délégué syndical alors que la qualité de délégué du personnel procède d’un mandat électif, elle constitue une manifestation claire et non équivoque du salarié de mettre fin à sa fonction de délégué syndical au sein de l’établissement ;
Attendu cependant que le délégué syndical peut renoncer à son mandat en informant l’organisation syndicale qui l’a désigné de sa renonciation ;
Qu’en statuant comme elle a fait, sans constater que le salarié avait informé l’organisation syndicale qui l’avait désigné de sa volonté de mettre fin de façon anticipée à son mandat de délégué syndical, ce dont il résultait que ce mandat n’avait pas pris fin et qu’il ne pouvait être licencié sans autorisation de l’inspecteur du travail, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu que la cassation du chef de la décision déboutant le salarié de ses demandes au titre d’un licenciement nul emporte par voie de conséquence la cassation des chefs de la décision condamnant l’employeur au paiement des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonnant le remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute M. X… de sa demande de nullité du licenciement pour violation du statut protecteur et de ses demandes au titre d’un licenciement nul, dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamne la société SEHPB au paiement des indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonne d’office le remboursement par l’employeur, à l’organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l’arrêt dans la limite de six mois d’indemnités, l’arrêt rendu le 18 juin 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la Société d’exploitation de l’hôtel du parc de Bougival aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X… et à l’union locale CGT Chatou la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. X… et l’union locale CGT de Chatou.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté M. X… de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect du statut de délégué syndical et D’AVOIR débouté M. X… de ses demandes subséquentes de remise en l’état du contrat de travail, de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis son licenciement en tenant compte des augmentations générales intervenues depuis, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de paie évoquées, de condamnation de son employeur à lui verser une provision pour la période couverte par la nullité de la rupture et d’indemnité pour licenciement nul d’au moins douze mois de salaire ;
AUX MOTIFS QUE sur le statut de salarié protégé de M. X…, la SEHPB soutient que la lettre du salarié du 4 avril 2008 constituait une démission de ses fonctions de délégué syndical alors que le salarié fait valoir que, cédant aux pressions que l’employeur exerçait sur l’ensemble du personnel pour qu’aucun candidat ne se présente aux élections, ce courrier n’était qu’une note destinée aux salariés et incidemment à l’employeur par lequel il les informait qu’il renonçait se porter candidat aux élections ; que le courrier litigieux n’évoque pas les prochaines élections et ne fait aucune allusion à une quelconque candidature à laquelle M. X… renoncerait ; qu’au contraire, il fait part de sa décision « de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit, au sein de la société d’Exploitation de l’Hôtel du Parc de Bougival », se référant ainsi expressément à un mandat donné par un syndicat, ce qui est le propre de la qualité de délégué syndical alors que la qualité de délégué du personnel procède d’un mandat électif ; qu’il constitue donc une manifestation claire et non équivoque du salarié de mettre fin à sa fonction de délégué syndical au sein de l’établissement ; qu’au demeurant les témoignages des collègues de M. X…, qui attestent qu’il avait fait l’objet de très fortes pressions de la direction pour qu’il ne se présente pas aux élections en avril 2008, qu’il leur avait déclaré qu’il conservait son mandat de délégué syndical et qu’il continuait à avoir une activité syndicale en rencontrant notamment la direction en qualité de délégué syndical, ne sont corroborées par aucun élément, comme des convocations à des réunions ou des comptes rendus de réunion ; qu’également l’attestation de M. Y… en date du 24 janvier 2013, exsecrétaire général de l’union locale CGT Chatou, qui déclare que les salariés de la SEPHB subissaient des pressions pour ne pas se présenter aux élections et que, pour cette raison, M. X… lui avait annoncé qu’il ne se présenterait pas aux élections mais sans évoquer l’abandon de son mandat de délégué syndicat, n’est pas circonstanciée en ce qui concerne la nature des pressions alléguées et n’est confortée par aucune pièce ; qu’il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que M. X… n’avait pas au moment du licenciement le statut de salarié protégé et l’a débouté de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes de « remise en l’état du contrat de travail », de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis le licenciement, en tenant compte des augmentations générales intervenues depuis, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de salaire évoquées et condamnation d’une provision pour la période couverte par la « nullité de la rupture » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE le conseil retient que M X…, le 4 avril 2008 antérieurement au 1er tour des élections fixé au 8 avril 2008 a informé l’ensemble des salariés de la société : « de sa décision de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit au sein de la SEHPB » ; que le conseil retient que M. X… s’est exprimé d’une manière claire et non équivoque ; que le conseil retient également qu’aucune organisation syndicale n’a produit de liste électorale tant au 1er tour (8/04/2008) qu’au 2ème tour (15/04/2008) et qu’ainsi un constat de carence a été établi par la société qui en a informé l’UL CGT CHATOU ; que le conseil retient que l’UL CGT CHATOU qui avait saisi le tribunal d’instance de Saint-Germain en Laye, s’est désistée de l’instance le 22 mai 2008 en audience ; que le conseil qui, lors de l’audience du 21 novembre 2011, a interrogé l’UL CGT CHATOU, M. X… n’étant pas présent, ni excusé à ladite audience, sur la démonstration que M. X… pourrait produire de son activité syndicale de délégué syndical CGT au sein de l’entreprise, a été dans l’incapacité de produire le moindre élément de démonstration de ladite activité syndicale ; que le conseil retient que M. X… n’a pas alerté l’inspection du travail du non-respect des obligations relatives à sa prétendue protection ; qu’ainsi pour le conseil, depuis le courrier du 4/04/2008, M. X… s’exonère lui-même du mandat que l’UL CGT CHATOU lui avait confié et ne peut donc venir revendiquer aujourd’hui la qualité de salarié protégé et la nullité du licenciement ;
ALORS, d’une part, QUE le délégué syndical peut renoncer à son mandat en notifiant à l’organisation syndicale qui l’a désigné sa renonciation ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a retenu que la lettre datée du 4 avril 2008 par laquelle M. X… faisait part aux salariés de l’entreprise de sa décision « de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit au sein de la société d’Exploitation de l’Hôtel du Parc de Bougival » constituait une volonté claire et non équivoque du salarié de mettre fin à sa fonction de délégué syndical au sein de l’établissement ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants sans relever que M. X… avait notifié au syndicat qui l’avait désigné en qualité de délégué syndical CGT sa volonté de renoncer à son mandat, la cour d’appel a violé les articles 2003 et 2007 du code civil, ainsi que les articles L. 2143-11, L. 2143-3 et L. 2411-3 du code du travail ;
ALORS, d’autre part, QUE la volonté du salarié de renoncer au mandat de délégué syndical dont il est titulaire doit être claire et non équivoque ; que la lettre datée du 4 avril 2008 aux termes de laquelle M. X… a fait part aux salariés de l’entreprise, avant l’organisation d’élections de délégués du personnel, de sa décision « de ne pas avoir de mandat de n’importe quel syndicat que ce soit au sein de la société d’Exploitation de l’Hôtel du Parc de Bougival » ne constituait pas une renonciation claire et non équivoque de sa part à exercer le mandat de délégué syndical donné par l’Union locale CGT Chatou ; qu’en décidant le contraire, la cour d’appel a violé les articles 2003 et 2007 du code civil, ainsi que les articles L. 2143-11, L. 2143-3 et L. 2411-3 du code du travail ;
ALORS, en tout état de cause, QU’à supposer les motifs du jugement adoptés, la cour d’appel ne pouvait se fonder sur une prétendue absence d’activité syndicale au sein de l’entreprise pour en déduire que M. X… avait démissionné du mandat de délégué syndical CGT dont il était titulaire ;
qu’en se déterminant par ces motifs inopérants, la cour d’appel a encore violé les articles 2003 et 2007 du code civil, ainsi que les articles L. 2143-11, L. 2143-3 et L. 2411-3 du code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué D’AVOIR débouté M. X… de sa demande de nullité du licenciement pour non-respect des droits de la défense et D’AVOIR débouté M. X… de ses demandes subséquentes de remise en l’état du contrat de travail, de paiement des salaires depuis le 14 octobre 2009, de délivrance des bulletins de paie depuis son licenciement en tenant compte des augmentations générales intervenues depuis, de condamnation au paiement du salaire net résultant des fiches de paie évoquées, de condamnation de son employeur à lui verser une provision pour la période couverte par la nullité de la rupture et d’une indemnité pour licenciement nul d’au moins douze mois de salaire ;
AUX MOTIFS QUE sur la procédure de licenciement, M. X… se prévaut des dispositions de l’article 7 de la convention OIT n° 158 en faisant reproche à l’employeur de ne pas avoir porté sur la convocation à l’entretien préalable des griefs qu’il entendait évoquer avec lui et d’avoir ainsi bafoué les droits de la défense ; que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue de l’entretien préalable au cours duquel le salarié qui a la faculté d’être assisté peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et de respect des droits du salarié ;
ALORS QU’aux termes de l’article 7 de la convention OIT n° 158, un licenciement ne peut intervenir avant que le salarié ait eu la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par son employeur ; que la lettre de convocation à l’entretien préalable à un éventuel licenciement, lequel a pour objet d’examiner contradictoirement les griefs reprochés par l’employeur, doit indiquer avec une précision suffisante ces griefs afin de permettre au salarié de préparer utilement sa défense ; qu’en jugeant que l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation et la tenue de l’entretien au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre satisfont aux droits du salarié, la cour d’appel a violé l’article 7 de la convention OIT n° 158 et les articles L. 1232-1, L. 1232-2 et L. 1232-3 du code du travail.
ECLI:FR:CCASS:2016:SO00742
Analyse
Publication :
Décision attaquée : Cour d’appel de Versailles , du 18 juin 2014