De nombreux CSE constatent qu’ils disposent, au titre du budget de fonctionnement, d'une somme d'argent non utilisée : la tentation peut être grande d'en faire usage contrairement à sa destination.
La tentation "commerciale" :
Les objets publicitaires achetés par le Comité Social et Economique :
Certains CSE financent l’achat d’objets publicitaires, à destination des salariés, sur le budget de fonctionnement. Cette pratique est illégale. En effet, de nombreuses sociétés spécialisées dans la vente d’objets publicitaires affirment que les CSE peuvent utiliser leur budget de fonctionnement pour acquérir des objets publicitaires dans le but de promouvoir l’activité du CSE. Ces sociétés proposent aux CSE d’apposer leur logo sur les objets avant de les distribuer. Ils prétendent que c’est l’unique condition pour que les CSE ne soient pas hors la loi.
La préoccupation n’est pas de communiquer mais de faire des cadeaux aux salariés sur des budgets de fonctionnement. Il ne s’agit pas de communication... En effet, un CSE dispose très facilement de la liste des salariés et il n’a pas besoin de mettre en place une stratégie de communication pour se faire connaître. Des sociétés de vente d’objets publicitaires affirment qu’ils peuvent utiliser ces sommes pour faire des cadeaux aux salariés, à la seule condition d’y apposer le logo du CSE. Elles prétendent qu’il s’agit de dépenses de communication, à ce titre imputables au budget de fonctionnement. Cette information est fausse. Le financement sur le budget de fonctionnement d’objets publicitaires à destination des salariés est illicite. La préoccupation n’est pas de communiquer mais de faire des cadeaux aux salariés sur des budgets inutilisés. Or, les cadeaux relèvent, par définition, du budget activités sociales et culturelles. Il ne s’agit pas de communication, qui suppose un message ici totalement absent, et dont rien ne justifierait qu’un quelconque cadeau lui serve de support. Tout au plus s’agit-il de publicité. Cependant, un CSE n’a pas, par définition, à faire de publicité, puisque les salariés de l’entreprise ne sont pas des clients, mais des ayants droits.
Les cartes de réduction ou les sites internet proposant des réductions :
Les cartes de réduction permettent d’obtenir des réductions dans des commerces de proximité ou dans les grandes enseignes. Le prestataire négocie avec les grandes enseignes une réduction et commercialise cette carte. Les membres qui présentent cette carte, lors de leur achat, obtiennent une réduction. Généralement le CSE paye un abonnement auprès du prestataire en fonction du nombre de salarié de l’entreprise pour bénéficier du service.
Ce système de carte a été mis en place par les CSE et les inter-CE dans les années 1960 pour permettre aux salariés de bénéficier de réduction essentiellement dans les établissements culturels (Théâtre, cinéma…). Cette offre s’est progressivement étendue aux loisirs (forfaits ski, vacances, voyages). Actuellement les prestataires concernés proposent presque tous des réductions sur l’ensemble de biens de consommations courantes (Electroménager, informatique, produits de beauté…).
Les cartes sont progressivement remplacées par des prestataires qui proposent des abonnements à des sites internet spécialisés. Accessible à partir d’un mot de passe, le visiteur accède à de nombreuses offres et bénéficie de réduction à l’achat. L’offre de certains établissements culturels, notamment les musées, s’adapte généralement à ce besoin en proposant des tarifs de groupe.
Faire croire que le budget de fonctionnement peut servir à financer une dépense d’ASC peut emporter la nullité du contrat conclu avec le comité !
En l’espèce, un comité d’entreprise reproche à son prestataire spécialiste de la billetterie en ligne et logiciels de gestion des budgets de lui avoir fait croire, dans le seul but d’obtenir la signature du contrat par la trésorière, que le coût de l’abonnement à la solution du prestataire était imputable au budget de fonctionnement. Le Comité d'entreprise dispose d'un courriel du prestataire lui confirmant que le coût de l'abonnement était imputable au budget de fonctionnement. Considérant que cette dépense s’analyse en une dépense de loisir imputable aux budgets des ASC, le tribunal considère que le comité apporte la preuve, à l’appui d’un mail, que le prestataire a sciemment menti et que ce comportement caractérise un dol qui a eu pour effet de vicier le consentement de l’ancienne trésorière. Par conséquent, le tribunal prononce la nullité du contrat, TI Versailles, 1er février 2019, n°11-18-000014.
Un dol, en droit français des contrats, est une manœuvre d'un cocontractant dans le but de tromper son partenaire et provoquer chez lui une erreur. Il est sanctionné par la nullité du contrat. L'article du code civil prévoit le dol : « Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. »
Sur quel budget imputer l’achat de carte de réduction :
Avec ces cartes, le personnel muni d’un code personnalisé peut réserver, à des tarifs préférentiels, spectacles, voyages, cadeaux, etc. Ces cartes permettent au salarié de réserver des places de spectacles, des excursions ou voyages à des tarifs préférentiels. Ces dépenses seraient normalement imputées sur le budget des activités sociales et culturelles si elles étaient faites directement par le CSE. Il n’y a aucune raison que le comité achète ces cartes avec le budget de fonctionnement du CSE.
Le budget de fonctionnement ne peut pas servir à payer les frais de fonctionnement des activités sociales :
Les frais afférents au fonctionnement d’une prestation Activités sociales et Culturelles s’imputent sur le budget des Activités sociales et Culturelles. Certains prestataires affirment le contraire, demander leurs de vous fournir les textes ou la circulaire Urssaf permettant de telles pratiques.
Qui a intérêt à favoriser cette mauvaise utilisation :
Les prestataires :
Certains assurent aux élus que le budget de fonctionnement peut couvrir l’abonnement du CSE à des cartes de réduction, payer des articles allant de la cafetière aux bouteilles de vin estampillées avec le logo du CSE.
Les employeurs :
Ils préfèrent de loin une participation à un voyage, payée avec le budget de fonctionnement plutôt qu'une formation à l'attention des élus. L'employeur a même intérêt à fermer les yeux sur la mauvaise utilisation du budget de fonctionnement...
Les salariés :
La question des salaires et du pouvoir d’achat ne doit pas être transférée au CSE : c’est une responsabilité de l’entreprise que de partager les richesses produites.
Quels sont les risques encourus par les élus d'une mauvaise utilisation du budget de fonctionnement ?
Aspects pénaux :
Le fait de dépenser l’argent remis au CSE à l’usage de son fonctionnement économique et juridique pour une autre destination tombe sous le coup de la loi pénale. L’article 314-1 du code pénal prévoit que : « L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a accepté à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende».
Actions en justice, l’abus de confiance :
En cas d’utilisation illicite du budget de fonctionnement, un membre du CSE, l’employeur en temps que président du CSE ou un salarié de l’entreprise peuvent intentés une action en réintégration des sommes litigieuses engagées Cour de Cassation, Chambre sociale, du 12 février 2003, 00-19.341 . Exemple : La défense de l'emploi dans l'entreprise relève des attributions du comité d'entreprise dans l'ordre économique et dès lors illicite la décision d'un comité d'établissement d'inscrire à son budget, au titre des activités sociales et culturelles, une somme pour la défense de l'emploi".
Lorsque la dépense illicite est réalisée avec l'accord de la majorité du CSE mais qu'elle n'est pas engagée au titre du bon budget, tout membre du CSE, l'employeur, un syndicat ou un salarié peut demander une action en annulation de la délibération irrégulière auprès du Tribunal de Grande Instance. Dans le cas contraire, lorsque la dépense est réalisée sans l'accord de la majorité des membres élus du CSE, le risque de qualification pénale en délit d'entrave est possible.
Par ailleurs, les jurisprudences suivantes ont condamné des élus pour délit d’abus de confiance.
Des membres du Comité d'Entreprise de la société… avaient fait prendre en charge par le budget de fonctionnement du comité leurs frais de voyage au Canada et même, s'étaient fait rembourser leurs frais personnels de restaurant... A l'occasion de l'élection de nouveaux membres, une mission d'expertise avait fait apparaître cette utilisation anormale des fonds du Comité d’Entreprise. Evidemment, les bénéficiaires ont été poursuivis du chef d'abus de confiance, et condamnés. Les membres élus du comité d'entreprise ne peuvent disposer des fonds versés par l'employeur qu'en les utilisant conformément aux prescriptions de la loi. Commettent un abus de confiance, les membres élus du comité d'entreprise qui disposent, à des fins personnelles, de la subvention de fonctionnement versée par l'employeur au titre de l'article L. 434-8 du Code du travail, en méconnaissance des missions imparties par la loi au comité d'entreprise, et alors qu'ils doivent en prendre compte dans les conditions prévues par les articles R. 432-14 et R. 432-15 du Code du travail Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 16 octobre 1997, 96-86.231.
L’abus de confiance peut être retenu à l’égard des membres élus qui ont utilisé le budget de fonctionnement de manière contraire à la loi, sans que ces derniers aient forcément recherché un avantage ou un enrichissement personnel. Une telle interprétation a été retenue par la Cour de Cassation dans un arrêt du 10 mai 2005 chambre criminelle, pourvoi n° 04-84118.
Le rôle de la direction :
La direction, le président du CSE, ne saurait se justifier derrière le manque d'information sur l'utilisation des fonds attribués au Comité d'Entreprise. Dans une récente affaire qui porte sur des frais dispendieux au sein d'un Comité d'Entreprise, la DRH régionale et la DRH France ont été assignées en justice pour ne pas avoir exigé la présentation des comptes du Comité. Les directions ont tout intérêt à utiliser leur droit de regard sur les comptes des CSE qu’elles financent.
Qui décide des dépenses :
Il est possible d’invoquer le délit d’entrave si une dépense est engagée sans autorisation. "Commet le délit d'entrave au fonctionnement régulier du comité d'entreprise le secrétaire de ce comité qui engage une dépense ayant été soumise au vote dudit comité et n'ayant pas été approuvée par la majorité des membres de celui-ci", Cass. crim., 4 nov. 1988, n° 87-91.705.
Risque URSSAF :
Dans la mesure où la dépense ne porte pas sur un bien culturel, social ou de loisir, elle est exclue de l’assiette des cotisations de sécurité sociale à la condition que, cumulée avec les autres bons d’achats, chèques cadeaux et cadeaux en nature, elle n’excède pas, par salarié et sur une période d’un an, 5% du plafond mensuel des cotisations.
Détournement de la mission du comité d'entreprise :
En faisant une mauvaise utilisation du budget de fonctionnement, certains élus favorisent les arguments patronaux. En effet, les syndicats patronaux revendiquent la fusion des budgets, ou même la suppression du budget de fonctionnement. Outre l’intérêt pour les élus d’utiliser pleinement leur budget de fonctionnement afin de constituer un véritable contre pouvoir, le danger, à terme, est de voir ce budget remis en cause par ceux qui pourraient être mis en difficulté par les actions du CSE !